Page:Anatole France - La Révolte des anges.djvu/287

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vriers. Le petit Lucrèce aux armes du Prieur de Vendôme, ne figurant pas sur cet état, fut supposé provenir d’un autre client. Et comme il ne se trouvait mentionné sur aucune liste d’envoi, il resta enfermé dans une armoire d’où le fils de Léger-Massieu, le jeune Ernest, le retira subrepticement un jour et le coula dans sa poche. Ernest était amoureux d’une lingère du voisinage, nommée Rose. Rose aimait la campagne et se plaisait à entendre les oiseaux chanter dans les bois. Et pour se procurer les moyens de la mener dîner un dimanche à Chatou, Ernest céda le Lucrèce contre la somme de dix francs, au père Moranger, brocanteur rue Saint-X… qui n’était pas curieux de connaître l’origine des objets dont il faisait l’acquisition. Le père Moranger céda, le jour même, ce volume pour soixante francs, à M. Poussard, libraire en chambre dans le faubourg Saint-Germain. Celui-ci fit disparaître du titre le timbre qui trahissait la provenance de ce nonpareil exemplaire et le vendit cinq cents francs à M. Joseph Meyer, amateur bien connu, qui le céda incontinent pour trois mille francs à M. Ardon, libraire, qui l’offrit aussi-