Page:Anatole France - La Révolte des anges.djvu/353

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croire en lui. Il est ignare, il est borné : son existence ne fait plus de difficulté pour moi. Comment va-t-il ?

— Mal ! Nous allons le renverser le mois prochain.

— Ne vous flattez pas, monsieur. Vous me faites songer à mon beau-frère Cuissart, qui, depuis trente ans, s’attend tous les matins à apprendre la chute de la République…

— Tu vois, Arcade, s’écria Maurice ; mon oncle Gaétan est de mon avis. Il sait que tu ne réussiras pas.

— Et pourquoi, je vous prie, monsieur Gaétan, croyez-vous que je ne réussirai pas ?

— Votre Ialdabaoth est encore bien fort en ce monde, sinon dans l’autre. Autrefois il était soutenu par ses prêtres, par ceux qui croyaient en lui. Il a aujourd’hui pour appui ceux qui ne croient pas en lui, les philosophes. Il s’est trouvé récemment un cuistre du nom de Picrochole qui voulait faire mettre la science en faillite afin d’améliorer les affaires de l’Église. Et l’on a inventé, ces jours-ci, le pragmatisme tout exprès pour accréditer la religion dans les esprits raisonneurs.