Page:Anatole France - La Révolte des anges.djvu/398

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traînât au prétoire des anarchistes farouches, fumant et dégouttant de meurtres et d’incendies, et ne comprenait pas qu’on s’en prît au monde des arts et des élégances. À cette nouvelle, qu’il fut un des derniers à connaître, le président du Conseil, garde des Sceaux, bondit sur son siège orné de sphinx, moins terribles que lui, et, dans les frémissements de sa méditation furieuse, taillada de son canif, à l’exemple de Napoléon, l’acajou de sa table impériale. Et quand le juge Salneuve, mandé par lui, parut à ses yeux, le président jeta son canif dans la cheminée, comme Louis XIV avait jeté sa canne par la fenêtre devant Lauzun ; et ce fut par un suprême effort qu’il se contint et dit d’une voix altérée :

— Êtes-vous fou ?… J’avais pourtant assez dit que j’entendais que le complot fût anarchiste, antisocial, foncièrement antisocial et antigouvernemental, avec une nuance syndicaliste ; j’avais suffisamment exprimé la volonté qu’on le maintînt dans ces limites, et vous en faites quoi ? La revanche des anarchistes et des libertaires. Vous m’arrêtez qui ? Une chanteuse adorée du public nationaliste et