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cubiques, triangulaires. Il ne pouvait plus ouvrir les portes ni les armoires et il les trouvait grandes ouvertes, chaque matin, et les livres bousculés, saccagés, dérobés. Un gardien de la paix ramassa une nuit, dans un ruisseau de la rue Servandoni, une brochure de Salomon Reinach sur l’identité de Barrabas et de Jésus. Comme elle portait le timbre de la bibliothèque d’Esparvieu, il la rapporta au propriétaire.

M. René d’Esparvieu, sans daigner seulement en informer M. Sariette, prit le parti de consulter un magistrat de ses amis, un homme digne de confiance, M. des Aubels, conseiller à la Cour, qui avait instruit plusieurs affaires importantes. C’était un petit homme, rond, très rouge, très chauve, le crâne poli comme une boule de billard. Il entra un matin dans la bibliothèque et feignit d’y venir en bibliophile, mais il montra tout de suite qu’il ne connaissait rien aux livres. Cependant que tous les bustes des philosophes antiques se reflétaient en cercle sur son crâne, il fit diverses questions insidieuses à M. Sariette qui se troubla et rougit. Car l’innocence est prompte à