Page:Anatole France - La Révolte des anges.djvu/73

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rares, les visiteurs interrompaient leurs visites, les fournisseurs hésitaient à livrer leurs marchandises, les voitures des grands magasins osaient à peine s’arrêter. Mais c’est dans le service que cette surveillance engendra les plus graves désordres. Le valet de chambre, ayant peur d’aller rejoindre, sous l’œil de la police, la femme du cordonnier, l’après-midi, tandis qu’elle travaillait seule chez elle, trouvait la maison insupportable et donnait son congé à son maître ; Odile, la femme de chambre de madame d’Esparvieu, n’osant plus introduire, comme de coutume, dans sa mansarde, après le coucher de sa maîtresse, Octave, le plus beau des commis de la librairie voisine, devenait triste, irritable, nerveuse, tirait, en la coiffant, les cheveux de sa maîtresse, lui parlait avec insolence, et faisait des avances à M. Maurice ; la cuisinière, madamme Malgoire, femme sérieuse, âgée d’une cinquantaine d’années, ne recevant plus les visites d’Auguste, le garçon marchand de vins de la rue Servandoni, incapable de supporter une privation si contraire à son tempérament, devint folle, servit un lapin cru sur la table de ses maîtres et annonça que le pape