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Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/148

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faiblesse de vos raisons m’afflige. Ces unions, dites-vous, sont contraires à la nature. Qu’en savez-vous ? Et quel moyen auriez-vous de le savoir ? Comment est-il possible de distinguer ce qui est naturel et ce qui ne l'est pas ? Connaît-on assez l’universelle Isis pour discerner ce qui la seconde de ce qui la contrarie ? Mais disons mieux : rien ne la contrarie et tout la seconde, puisque rien n’existe qui n’entre dans le jeu de ses organes et qui ne suive les attitudes innombrables de son corps. D’où viendraient, je vous prie, des ennemis pour l’offenser ? Rien n’agit ni contre elle ni hors d’elle, et les forces qui semblent la combattre ne sont que des mouvements de sa propre vie.

» Les ignorants seuls sont assez assurés pour décider si une action est naturelle ou non. Mais entrons un moment dans leur illusion et dans leur préjugé et feignons de reconnaître qu’on peut commettre des actes contre nature. Ces actes en seront-ils pour cela mauvais et condamnables ? je m’en attends sur ce point à l’opinion vulgaire des moralistes qui représentent la vertu comme un effort sur les instincts, comme une entreprise sur les inclinations que nous portons en nous, comme une lutte enfin avec l’homme originel. De leur propre aveu,