Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/220

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d’affreux jurements, quel pouvait bien être ce fâcheux. Mon bon maître, à qui les circonstances les plus communes inspiraient souvent d’admirables maximes, se leva et dit avec onction et gravité :

— Qu’importe la main qui heurte si rudement l’huis pour un motif vulgaire et peut-être ridicule ! Ne cherchons pas à la connaître, et tenons ces coups pour frappés à la porte de nos âmes endurcies et corrompues. Disons-nous, à chaque coup qui retentît : Celui-ci est pour nous avertir de nous amender et de songer à notre salut, que nous négligeons dans les plaisirs ; celui-ci est pour que nous méprisions les biens de ce monde ; celui-ci est pour songer à l’éternité. De la sorte, nous aurons tiré tout profit possible d’un événement d’ailleurs mince et frivole.

— Vous êtes plaisant, l’abbé, dit M. d’Anquetil ; de la vigueur dont ils cognent, ils vont défoncer la porte.

Et, dans le fait, le marteau faisait des roulements de tonnerre.

— Ce sont des brigands, s’écria la fille mouillée. Jésus ! nous allons être massacrés ; c’est notre punition pour avoir renvoyé le petit frère. Je vous l’ai dit maintes fois, Anquetil, il arrive