Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/257

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» Pour moi, mon fils, rentré dans ma chambre, bien qu’accablé de fatigue, je ne voulus goûter aucun repos avant d’avoir cherché dans le livre de Boèce un endroit approprié à mon état. Je n’en trouvai aucun qui s’y ajustât parfaitement. Et ce grand Boèce, en effet, n’eut pas lieu de méditer sur la disgrâce d’avoir cassé la tête d’un fermier général avec une bouteille de sa propre cave. Mais je recueillis ça et là, dans son admirable traité, des maximes qui ne laissaient pas de s’appliquer aux conjonctures présentes. En suite de quoi, enfonçant mon bonnet sur mes yeux et recommandant mon âme à Dieu, je m’endormis assez tranquillement. Après un temps qui me sembla bref, sans que j’eusse les moyens de le mesurer, car nos actions, mon fils, sont la seule mesure du temps, qui est, pour ainsi dire, suspendu pour nous dans le sommeil, je me sentis tiré par le bras et j’entendis une voix qui me criait aux oreilles : « Eh ! l’abbé, eh ! l’abbé, réveillez-vous donc ! » Je crus que c’était l’exempt qui venait me prendre pour me conduire à l’official et je délibérai en moi-même s’il était expédient de lui casser la tête avec mon chandelier. Il est malheureusement trop vrai, mon fils, qu’une fois sorti du chemin