Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/314

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pourtant point une sauvage, serait désolée que l’art ait gagné en elle sur la nature, à ce point qu’on ne vît pas combien sa poitrine est pleine et sa croupe arrondie. Ainsi, de quelque façon que nous considérions les hommes depuis la chute d’Adam, nous les voyons affamés et incontinents. D’où vient donc que, réunis dans les villes, ils s’imposent des privations de toutes sortes et se soumettent à un régime contraire à leur nature corrompue ? On a dit qu’ils y trouvaient leur avantage, et qu’ils sentaient que leur sécurité est au prix de cette contrainte. Mais c’est leur supposer trop de raisonnement, et, de plus, un raisonnement faux, car il est absurde de sauver sa vie aux dépens de ce qui en faisait la raison et le prix. On a dit encore que la peur les retenait dans l’obéissance, et il est vrai que la prison, la potence et la roue assurent excellemment la soumission aux lois. Mais il est certain que le préjugé conspire avec les lois, et on ne voit pas bien comment la contrainte aurait pu s’établir si universellement. On définit les lois les rapports nécessaires des choses ; mais nous venons de voir que ces rapports sont en contradiction avec la nature, loin d’en être des nécessités. C’est pourquoi, mes-