Page:Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/51

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femme et à son fils, s’il voulait garder leur estime.

M. Jérôme Coignard, la voyant toute rouge de colère, détourna la conversation avec une adroite bonté. Interpellant de façon soudaine le frère Ange qui, les mains dans ses manches, se tenait humblement au coin du feu :

— Petit frère, lui dit-il, quelles reliques portiez-vous sur l’âne du second vicaire, en compagnie de sœur Catherine ? N’était-ce point votre culotte que vous donniez à baiser aux dévotes, sur l’exemple d’un certain cordelier dont Henry Estienne a conté l’aventure ?

— Ah ! monsieur l’abbé, répondit frère Ange de l’air d’un martyr qui souffre pour la vérité, ce n’était point ma culotte, mais un pied de saint Eustache.

— Je l’eusse juré, si ce n’était péché, s’écria l’abbé en agitant un pilon de volaille. Ces capucins vous dénichent des saints que les bons auteurs, qui ont traité de l’histoire ecclésiastique, ignorent. Ni Tillemont, ni Fleury ne parlent de ce saint Eustache, à qui l’on eut bien tort de dédier une église de Paris, quand il est tant de saints reconnus par les écrivains dignes de foi, qui attendent encore un tel honneur. La vie de cet Eustache est