Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/114

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J’affectai des airs de supériorité fort ridicules et qui me mettaient bien au-dessous moralement de Morlot, Laboriette et Chazal. Et quand Mouron, le petit Mouron, s’arrêtant de dessiner des rosaces sur son cahier, se tourna vers moi et, de ses lèvres pâles qui découvraient des dents jaunes, me sourit d’un air à la fois moqueur et bienveillant, j’affectai de ne pas voir un si petit personnage. Et je murmurai à l’oreille de mon voisin Noufflard :

— Quel cancre, ce Mouron !

Quand la cloche sonna, j’imitai, en sortant de la salle, la démarche lourde, l’allure bovine de mes rivaux, un moment vaincus, mais toujours altiers et menaçants, Radel, Laperlière et Maurisset.

Hélas ! Je ne devais plus retrouver la victoire. La semaine suivante, M. Beaussier, avec une satisfaction visible, proclama mon abaissement. L’incorrection de mon thème, les solécismes et les barbarismes dont il était grevé me replongeaient soudain dans le dernier tiers de la classe, non loin de Morlot, Laboriette et Chazal. Ils possédaient, ceux-là, les attributs divins, la permanence et la stabilité. à tout prendre et pour mon malheur, ce premier