Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/218

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à moi dès ma sortie de l’enfance ne m’apprit pas le bon langage, mais il m’inspira l’amour des arts d’imitation et un ardent enthousiasme pour la beauté sensible.

M. Dubois, comme tous les archéologues de son temps, connaissait surtout la sculpture grecque par des ouvrages de l’époque romaine. Le sens de la grandeur et de la simplicité ne lui manquait pas ; mais il avait vu trop tard les marbres du Parthénon, et le Laocoon restait pour lui la plus parfaite expression du beau. Ce n’en était pas moins un connaisseur.

Ayant voyagé en Italie à une époque où l’on n’y allait guère, ayant fréquenté les artistes de son temps, il s’était fait sans grande dépense un cabinet de curieux, dont il jouissait dans le silence et dans le recueillement. Mais, comme il faut, en ce monde, que toute joie soit gâtée, sa gouvernante troublait la paix d’un intérieur tranquille et orné. Clorinde « buvait ». Et M. Dubois, bien qu’il fût très secret, avait confié un jour à ma mère qu’il avait un soir trouvé Clorinde ivre-morte dans sa cuisine incendiée. Je m’étonnais qu’il ne la congédiât pas ; mais ma mère en paraissait moins surprise.