Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/219

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De temps en temps, quand il était content de mes progrès, il me disait :

— Mon enfant, je te montrerai mes antiques et aussi quelques morceaux de peinture comme on n’en fait plus. Car nous sommes submergés par les barbares. On ne sait plus dessiner.

Ce qu’il appelait barbares, c’était les Couture, les Cognet, les Deveria et surtout Delacroix dont il avait horreur. Il ne le comprenait pas. Il ne comprenait pas tout. Mais qui de nous peut se flatter de tout comprendre ?

En se proposant de me recevoir chez lui, M. Dubois me faisait un grand honneur, et rare. Demeurant avec sa vieille gouvernante, sans parents, sans amis, il ne recevait âme vivante. Aussi, faisait-on des contes étranges sur ce logis où personne n’avait jamais pénétré. Il était situé, au deuxième étage, sur la cour, dans un vieil hôtel de la rue Sainte-Anne. M. Dubois l’habitait depuis son enfance.

Naître, vivre et mourir dans la même maison.

M. Dubois avait eu une mère charmante, qu’il adorait. Elle était belle, jouait de la harpe comme madame de Genlis, peignait des fleurs comme Van Spandonck. Morte subitement, en