Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/220

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1815, sa chambre, disait-on, avait été laissée intacte par son fils, avec sa harpe, une romance ouverte sur le clavecin, sa boîte d’aquarelle et le vase rempli des fleurs qu’elle avait commencé de peindre, ensevelis depuis quarante ans sous un linceul de poussière. On disait qu’il y avait dans le salon de M. Dubois le portrait d’une dame poudrée dont la main droite disparaissait sous un bouquet de roses, et l’on croyait que c’était le portrait d’une arrière-grand’mère de M. Dubois qui, sur son lit de mort, avait écrit à son fils absent qu’elle lui donnait sa malédiction. Mais, six semaines après qu’on l’eut mise en terre, on trouva un matin sur son portrait la main droite effacée et remplacée par des roses fraîchement peintes. On pensa qu’elle était venue elle-même opérer cette substitution pour donner à entendre qu’elle révoquait les termes de sa dernière lettre. Il y avait eu dans cette maison plusieurs victimes de la terreur dont les ombres indignées hantaient les escaliers et les corridors.

De temps en temps, M. Dubois répétait :

— Mon enfant, il faudra qu’un de ces jours tu viennes voir mes antiques.