Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/312

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intéressantes : Tourguenef, monsieur et madame Viardot, le pianiste Alexandre Max et des femmes curieuses.

Je me promis de ne pas aller la voir, j’en fis le serment ; mais je savais bien que j’irais et déjà la rue Basse-du-Rempart était le but où je tendais.

Quand la princesse prit du thé, je m’approchai d’elle ; je la voyais toujours dans un nimbe et pourtant avec cette fermeté de lignes qui était son principal caractère ; ses mouvements étaient larges, libres et plus rythmés et plus musicaux que ceux des autres femmes. Ce qui me frappait d’une sorte d’effroi, c’était l’air d’indifférence imprimé sur ses traits, c’était ce beau visage fermé comme un tombeau. S’il m’avait fallu définir alors le sentiment que j’éprouvais pour cette femme, je crois que j’aurais dit : c’est la haine, mais une haine désarmée, tranquille et belle comme son objet. Elle partit de bonne heure. J’éprouvai à son départ l’impression que je n’en étais pas séparé et que désormais, où qu’elle fût, elle serait près de moi.

Et maintenant, en vérité, je la voyais plus distinctement que je n’avais pu le faire en sa