Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/41

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encore féconde en catastrophes, s’il dénonçait le génie sivaïte de cette simple créature, s’il l’accusait de troubler sans cesse le repos nécessaire à l’homme d’études, c’était qu’incapable, ainsi que la plupart des hommes, de réformer ses jugements sur de nouvelles expériences, il s’en tenait aux opinions acquises et aux idées préconçues. Ma mère, plus juste et mieux avisée, reconnaissait qu’au chaos des premiers jours succédaient, en cette intelligence servile, les premiers linéaments de l’ordre et les premiers accords de l’harmonie.

Justine avait fait la paix avec le Spartacus de la pendule. Elle ne le frappait plus de la hampe de son plumeau dépenaillé et le héros ne menaçait plus de l’écraser de son poids. Mais elle se refusait obstinément à croire qu’il s’appelât Spartacus. En vain, je m’efforçais de le lui prouver, histoire et dictionnaire en main, avec le pédantisme niais et taquin d’un humaniste de treize ans. Elle opposait à mes démonstrations un sourire tranquille et répondait invariablement :

— Non ! Non ! mon petit maître, il ne s’appelle pas du nom que vous dites. Oh ! non certes.