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Page:Anatole France - La Vie littéraire, IV.djvu/167

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JUDITH GAUTIER.

Je parle comme et d’un livre nouveau de la Conquête du Paradis que M. Armand Colin vient de publier dans sa Bibliothèque de romans historiques. Je n’ignore pas que le livre date de plusieurs années ; mais il est tellement changé et accru dans cette dernière édition qu’on peut dire que c’est aujourd’hui seulement qu’il a sa forme parfaite.

C’est un roman historique, puisque l’action nous fait assister à la prise de Madras en 1746, aux démêlés de Dupleix et de la Bourdonnais, à la défense victorieuse de Pondichéry contre l’armée et la flotte anglaises et à l’acquisition que fil cet habile Dupleix pour la France de 900 kilomètres de côtes entre la Krishna et le cap Comorin. C’est un roman historique, puisque le héros en est ce Charles Joseph Patissier, marquis de Bussy-Castelnau, qui défendit Pondichéry avec autant de courage que d’intelligence, et c’est si bien un roman fait sur l’histoire, que l’auteur, après avoir raconté la prise admirable de Gengi, se donne la joie patriotique d’écrire en note, au risque de troubler l’harmonie de sa fiction : « Il est inutile de faire remarquer que le récit de ce fait d’armes extraordinaire, presque invraisemblable, n’est qu’un mot à mot historique, rigoureusement exact. »

Sans doute, c’est un roman historique. Au fond, madame Judith Gautier entend l’histoire à la manière d’Alexandre Dumas père, et je ne dis pas que, pour un romancier, ce soit une mauvaise manière. Elle aime les messages apportés mystérieusement au milieu des fêtes et qui changent soudain les nuits joyeuses en veillées