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Page:Anatole France - La Vie littéraire, IV.djvu/190

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LA VIE LITTÉRAIRE.

auteurs, depuis les plus vieux contes hindous jusqu’à Madame Cottin, où elle est — j’en suis sûr. En attendant, notre brillant confrère, M. Aurélien Scholl vient de la retrouver tout entière dans l’Héritage fatal, drame eu trois actes de Boulé et Eugène Fillion, représenté pour la première fois sur le théâtre de l’Ambigu le 28 décembre 1839.

Il y a quelques années M. Jean Richepin fut accusé d’avoir volé une ballade au poète allemand Rückert. Mais M. Richepin prouva sans peine qu’il ne devait rien à Rückert, qu’il avait seulement puisé au même fonds que le poète et fouillé dans un vieux recueil de contes orientaux dont les inventeurs sont aussi inconnus que ceux de Peau d’âne et du Chat botté.

Je vous conterai à ce sujet l’aventure véritable de M. Pierre Lebrun, de l’Académie française. M. Lebrun avait, en ses beaux jours, vers 1820, tiré convenablement de la Marie Stuart de Schiller une tragédie exacte. C’était un honnête académicien et un très galant homme. Il aimait les arts. Un soir de sa quatre-vingtième année, il lui prit envie d’entendre madame Ristori, qui, de passage à Paris, donnait des représentations dans la salle Ventadour. La grande artiste jouait ce soir-là le rôle de Marie Stuart dans une traduction italienne du drame allemand. Tout en écoulant les vers, M. Lebrun, au fond de la loge, passait sa main sur son front et, après chaque scène, il murmurait entre ses dernières dents :

— Je connais cela ! Je connais cela !