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Page:Anatole France - La Vie littéraire, IV.djvu/200

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LA VIE LITTÉRAIRE.

Et remarquez en passant qu’on lui reproche, dans ce vers, non de voler, mais de voler des sottises. C’est là le plagiat comme on l’entendait au xviie siècle : prendre le mauvais avec le bon, la balle avec le grain.

Quoi qu’on puisse penser de cette censure, à tout le moins impertinente, qui vise surtout les Plaisirs de l’île enchantée, imités d’une pastorale de Moreto, on voit que Molière passait, de son temps, pour un auteur très versé dans la littérature espagnole. Il est très possible qu’il ait connu la Hija de Celestina.

Et c’est une supposition dans laquelle on est confirmé quand on a lu l’opuscule de M. P. d’Anglosse. Il y a, en effet, dans la nouvelle de Barbadillo un trait que Scarron a rendu très inexactement par cette phrase : « Il (Montufar) ne bougeait des prisons. »

L’original dit : « Il (Montufar) demandait l’aumône pour les pauvres prisonniers. » Ce qui correspond exactement à ces vers de Tartufe :

Je vais aux prisonniers
Des aumônes que j’ai partager les deniers.

On a noté aussi dans le texte espagnol un trait excellent qui n’est pas dans la copie française, et que Molière semble avoir connu. Après avoir rapporté l’épisode du gentilhomme madrilène qui pense être écharpé par la foule pour avoir démasqué le traître, Barbadillo ajoute :

« Ce gentilhomme resta confondu et si plein de dépit de cette aventure que, sans terminer les affaires qui l’avaient appelé à Séville, il repartit le soir même pour