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Page:Anatole France - La Vie littéraire, IV.djvu/248

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LA VIE LITTÉRAIRE.

livre du secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences, M. Sully-Prudhomme, son confrère de l’Académie française, publiait, dans la Revue des Deux Mondes, une étude parfaitement déduite dans laquelle il montrait aisément que Pascal avait placé sa foi dans des régions que le raisonnement ne peut atteindre. Si quelqu’un ne mit jamais sa foi en délibération, c’est bien Pascal. Il l’a répété vingt fois : la raison ne conduit pas à Dieu ; le sentiment seul y mène.

« S’il y a un Dieu, il est infiniment incompréhensible. Nous sommes incapables de connaître ce qu’il est ni s’il est. »

Et ailleurs :

« Voilà ce que c’est que la foi : Dieu sensible au cœur, non à la raison. »

Et M. Sully-Prudhomme conclut excellemment :

« Pour lui, la preuve de l’existence de Dieu n’est pas confiée à la faculté de comprendre, mais à celle de sentir, à l’intuition du cœur, en un mot à un acte de foi. »

À propos, je crois, d’un philosophe contemporain qui unit à une rare puissance spéculative la foi du charbonnier, on a dit qu’il y avait des cerveaux à cloisons étanches. Le fluide le plus subtil qui remplit un des compartiments ne pénètre point dans les autres.

Et comme un rationaliste ardent s’étonnait devant M. Théodule Ribot qu’il y eût des têtes ainsi faites, le maître de la philosophie expérimentale lui répondit avec un doux sourire :