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LA VIE LITTÉRAIRE.

Quant à madame de Burne, dont la fonction est d’être élégante, elle accomplit sa tâche sociale en mettant de belles robes. Ne lui en demandons pas davantage. M. de Mariolle fut bien imprudent en l’aimant de tout son cœur et en exigeant qu’une personne qui se devait à sa propre beauté renonçât à elle-même pour être tout à lui. Il en souffrit cruellement. Et la petite bonne de Fontainebleau ne le consola pas. S’il veut être consolé, je lui conseille de lire l’Imitation. C’est un livre secourable. M. Cherbuliez (il me l’a dit un jour) croit qu’il a été écrit par un homme qui avait connu le monde et qui y avait aimé. Je le crois aussi. On ne s’expliquerait pas sans cela des pensées qui, comme celles-ci, donnent le frisson : « Je voudrais souvent m’être tu, et ne m’être pas trouvé parmi les hommes, » M. de Mariolle ne s’y trompera pas : il sentira tout de suite que ce livre est encore un livre d’amour. Qu’il ouvre ce bréviaire de la sagesse humaine et il y trouvera ce précepte :

« Ne vous appuyez point sur un roseau qu’agite le vent et n’y mettez pas votre confiance, car toute chair est comme l’herbe, et sa gloire passe comme la fleur des champs. »