Aller au contenu

Page:Anatole France - La Vie littéraire, IV.djvu/78

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
50
LA VIE LITTÉRAIRE.

sceau pontifical, régente du Vatican et gouverneur de Spolète.

À quinze ans, César était archevêque de Pampelune ; à dix-sept, cardinal de Valence. L’ambassadeur du duc de Ferrare l’alla voir dans sa maison du Transtevère. Après une de ces visites, il écrivit dans une dépêche, les quelques mots que voici :

« Il allait partir pour la chasse : il était vêtu de soie, l’arme au côté. À peine un petit cercle rappelait le simple tonsuré. Nous cheminâmes ensemble à cheval, en nous entretenant. C’est un personnage d’un grand esprit, très supérieur, et d’un caractère exquis. Il est d’une grande modestie. » Les contemporains vantaient volontiers la modestie de César et celle de sa sœur Lucrèce. Il reste à savoir ce qu’ils entendaient par modestie, et si ce n’était pas l’élégante sobriété du geste et de la parole.

En ce cas, César méritait cette louange. Bien qu’instruit dans les sciences sacrées et les sciences profanes, théologien, humaniste et même poète, il demeurait silencieux et taciturne. C’était, disent ceux qui l’ont approché, un seigneur fort solitaire et secret, molto solitario e segreto. Amoureux des étoffes somptueuses, des bijoux ingénieux et des pierreries étincelantes, il passait magnifiquement vêtu, roulant entre ses doigts une boule d’or contenant des parfums, et la tête déjà pleine de ces grands desseins que Machiavel devait bientôt admirer. Sous un ciel et dans un temps où c’était une gloire que d’être beau, César était d’une beauté éclatante.

Cette race des Borgia, que l’obésité envahissait avec