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RÉFLEXIONS À PROPOS DE THERMIDOR

Les témoignages historiques étaient là, trop proches, trop nombreux.

C’est au profit des Girondins et non des Montagnards que fut essayée instinctivement, à la première heure, la légende harmonieuse de la liberté. M. Edmond Biré, dans un livre royaliste et réactionnaire, mais exactement et fortement documenté, a fait voir comment l’opinion libérale, si puissante sous la Restauration, s’intéressa d’abord à l’éloquence et aux malheurs de la Gironde. Les mémoires de madame Roland, de Riouffe, de Barbaroux, de Buzot, publiés par Barrière, soulevèrent une émotion unanime. L’art exprima ce sentiment. Charles Nodier inventa le dernier banquet des Girondins, fiction éloquente qui passa pour la vérité même.

L’homme des foules, Alexandre Dumas, dans le Chevalier de Maison-Rouge, répandit son pathétique populaire sur la fin des Girondins, auxquels il fit chanter au pied de l’échafaud :

Nous, amis, qui loin des batailles
Succombons dans l’obscurité,
Vouons du moins nos funérailles
À la France, à la liberté.
Mourir pour la patrie,
C’est le sort le plus beau, le plus digne d’envie.

M. de Lamartine enfin célébra la Gironde dans une histoire éloquente, qui tient beaucoup de la légende.

Cependant l’histoire agissait de concert.

Avec M. Thiers, Mignet, Michelet et Louis Blanc, nous sommes dans la période épique de l’histoire de la Révolution. Que l’annaliste de cette époque préfère ou Danton ou Robespierre, il met la Révo-