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LA FÊTE DE L’ÊTRE SUPRÊME

publics et aux foules populaires. Le défilé, tel qu’il est décrit dans les journaux du temps, est plein d’imaginations heureuses, de symboles qui parlent aux yeux. La Convention nationale s’avançait entre deux rubans tricolores tenus par des enfants ornés de violettes, par des adolescents ornés de myrtes, par des hommes dans la force de l’âge ornés de chêne, par des vieillards ornés de pampres et d’olivier. Les mères portaient des bouquets de roses, leurs filles les accompagnaient avec des corbeilles remplies de fleurs.

Assurément, ce fut encore une belle idée d’associer les enfants aveugles à cette fête religieuse. Ils défilaient en jouant un hymne devant le corps de cavaliers qui fermait la marche.

Une première cérémonie avait eu lieu, dans la matinée, aux Tuileries. L’aspect en est conservé par quelques gravures et, notamment, par une très bonne estampe des tableaux de la Révolution. On avait élevé sur le bassin des Tuileries une statue en plâtre représentant la Sagesse assise, un bras levé au ciel. Elle était recouverte par une figure de baudruche qui figurait l’Athéisme sous les traits d’un monstre hideux. Robespierre, qui, comme président de la Convention, dirigeait la fête qu’il avait inspirée, saisit une torche et mit le feu à l’Athéisme qui, en se consumant, laissa à découvert la Sagesse. Elle était un peu noircie. On n’osa pas le dire, mais plus d’un spectateur en sourit intérieurement. Les décors de la fête avaient été fournis par le citoyen Aubert, tapissier, rue Nicaise. On garde au Musée Carnavalet, dans la collection Ruggieri, les mémoires de cet entrepreneur.

La façon des chars montait à une somme de