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LA VIE LITTÉRAIRE

philosophique. C’était, comme on disait alors, la religion naturelle. « Le véritable prêtre de l’Être suprême est la nature ; son temple, l’univers ; son culte, la vertu ; ses fêtes, la joie d’un grand peuple rassemblé sous ses yeux pour resserrer les doux nœuds de la fraternité universelle et pour lui présenter l’hommage des cœurs sensibles et purs. » Mais ces idées n’avaient rien en elles-mêmes qui pût choquer les catholiques ; elles étaient communes aux chrétiens et aux déistes.

Quoi qu’il en soit, Robespierre ne put les soutenir. Au contraire, elles précipitèrent sa chute. Cet homme était dès lors un insensé en proie au délire des grandeurs et à la manie de la persécution. On l’a jugé diversement. En réalité, c’était un fou lucide, un tranquille furieux qui délirait avec une étonnante rigueur d’esprit et de volonté. À quoi bon rechercher ce que valait le culte ? Le grand prêtre était déjà emporté dans un torrent de sang.

C’est encore au Musée Carnavalet que j’ai trouvé un mauvais chiffon de papier qui en dit plus en quelques lignes que bien des gros livres imprimés.

Il fait partie de ces dossiers Ruggieri qui m’ont été gracieusement communiqués. On sait que le Musée Carnavalet a pour conservateur le modèle et le parangon des bibhothécaires, M. Cousin.

On sait aussi que M. Cousin y est assisté, dans ses devoirs délicats et qu’il aime, par M. Faucou, le directeur de l’Intermédiaire des chercheurs et curieux, érudit très versé dans les choses de la Révolution.

Si j’ai mis tout de suite la main aux bons endroits c’est grâce assurément à ces messieurs dont l’obligeance égale le savoir. Le chiffon de papier que je