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LA VIE LITTÉRAIRE

sable. Le nouveau culte, fondé sur une boue de sang, devait bientôt s’abîmer avec son pontife sanglant.

On trouvera dans le livre de M. Aulard un exposé solide et clair de toute cette affaire, qui n’avait pas encore été étudiée de près. J’aurais voulu suivre plus exactement un livre qui commande et retient l’attention par la belle ordonnance des matières et par l’étendue des vues. M. F.-A. Aulard est un historien philosophe. J’entends par là que les faits ont pour lui une signification et qu’il suit le lien qui les rattache les uns aux autres. On lui fera peut-être, en certain lieu, un grief de sa sévérité pour Robespierre. Mais c’est un reproche auquel je ne pourrai pas m’associer.

Cependant on peut trouver que les théocrates qui rêvent le gouvernement des prêtres sont bien ingrats envers cet homme. Il est des leurs. Marie-Joseph Chénier n’avait pas tort quand il disait à l’abbé Delille, revenu d’Angleterre :

Mais, puisque vous protégez Dieu,
N’outragez plus feu Robespierre.
Ce grand pontife aux indévots
Rendit quelques mauvais offices.
Il eût été de vos héros,
S’il eût donné des bénéfices.

5 juin 1892.