Page:Anatole France - La Vie littéraire, V.djvu/207

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

LAMENNAIS[1]

Lamennais a laissé un nom illustre. Mais ses livres, jadis dévorés par toutes les âmes, n’ont plus guère de lecteurs ; son histoire, qui fut celle de l’Église pendant un demi-siècle, est oubliée, et nous ne nous faisons qu’une incertaine et vague idée de ce génie agité qui remua le monde. À ce nom de Lamennais, nous nous représentons un visage aride et désolé, semblable au masque de Dante, des joues creuses, des yeux ardents, un front superbe, comme noirci par la foudre. Nous songeons au lévite qui, frappé par l’Église, sa mère, traversa la foule du peuple, marqué du signe indélébile : Tu es sacerdos in aeternum, et qui porta, dans l’Assemblée nationale, sur les gradins de la Montagne, le sombre orgueil du prêtre. Peut-être encore, remontant le cours des années, évoquons-nous, sous les pieux ombrages de la

  1. Lamennais, étude d’histoire politique et religieuse, par E. Spuller, in-18, 1892.