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FORAIN

Qu’est-ce que tu as encore à faire la moue ?

C’est parce que tu m’as dit hier que je commençais à ressembler à maman.

Intérieur plus modeste encore :

Le père se fait la barbe. Sa fille lui dit à roreille :

Papa, si tu ne veux pas que je l’épouse… je dirai à maman où vous vous êtes connu !

Il y a des gens de toute espèce dans la galerie de Forain.

Une femme du monde entrée en coup de vent dans l’atelier d’un sculpteur qui modèle une tête de femme :

Tu sais, mon chéri, que, n’y tenant plus, j’ai tout dit à mon mari !…

Vous venez de faire un joli coup. Qu’est-ce qui va me payer votre buste ?

Et voici pour les femmes de théâtre. Une actrice devant le lit mortuaire où une vieille dame est étendue, avec une bougie allumée sur la table de nuit :

Pauvre mère… c’est maintenant qu’on va me voler !

M. Arsène Alexandre, qui dans son livre somptueux et savant, sur le rire et la caricature, a parlé de Forain en connaisseur, fait remarquer justement que, si cet artiste a quelque pitié, c’est aux humbles qu’il la garde. Forain n’accable pas ceux pour qui la vie est dure. On trouve dans ses albums un résumé de l’Assommoir, figuré en deux feuilles, où ne manque pas la bonhomie et une sorte de compassion.

Première feuille :

Un berceau, du linge séchant sur une ficelle. Coupeau fait risette au petit. Gervaise servant la soupe :