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LA VIE LITTÉRAIRE

parvenus à un haut degré de beauté morale goûtent les joies du renoncement à la joie. M. Jules Soury s’enivre de cette grande mélancolie philosophique et s’oublie dans les délices du calme désespoir. Douleur profonde et belle que ceux qui l’ont goûtée n’échangeraient pas contre les gaietés frivoles et les vaines espérances du vulgaire !

Et les contradicteurs qui malgré la beauté esthétique de ces pensées les trouveraient funestes à l’homme et aux nations, suspendront peut-être l’anathème quand on leur montrera la doctrine de l’illusion universelle et de l’écoulement des choses naissant à l’âge d’or de la philosophie grecque avec Xénophane et se perpétuant à travers l’humanité polie, dans les intelligences les plus hautes, les plus sereines et les plus douces, un Démocrite, un Épicure, un Gassendi.

8 novembre 1891.