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RÉPONSE à M. J. DE SOHET

et des symboles respectables, mais dont nous possédons désormais la signification historique, et vous dites que ce paradis est un paradis perdu. Vous confessez encore que vos études de physiologie vous avaient éloigné quelque temps de toute créance à la conception métaphysique de l’âme. Mais que l’incertitude des connaissances humaines à l’endroit du système nerveux en général et du cerveau en particulier n’avait pas tardé à vous apparaître clairement et avec une espèce de force comique. Et c’est bien, en effet, une comédie du genre le plus soutenu que nous donnent, dans l’amphithéâtre, les professeurs avec leur scalpel. Je comprends, monsieur, que vous ayez souri aux bons endroits de cette pièce, car la disproportion du savant et de la science est une situation essentiellement comique et propre à inspirer au spectateur méditatif une gaieté qui (vous le savez aussi bien que moi) enveloppe et contient une immense tristesse.

C’est précisément ce genre de plaisir douloureux que vous avez goûté à l’amphithéâtre. Il y a de cela assez longtemps. Depuis lors, vous avez vu beaucoup des contradictions amusantes de vos vieux maîtres tomber devant les investigations nouvelles de leurs successeurs ; vous constatez que l’homogénéité fonctionnelle du cerveau, jadis défendue par Flourens, n’a plus guère de partisans et que la théorie des localisations est aujourd’hui généralement adoptée. Le beau livre de M. Soury a fait quelque impression sur votre esprit. Vous y avez vu l’auteur ingénieusement attentif à des phénomènes délicats. Et c’est, dites-vous, « un substantiel et beau livre, écrit avec une probité absolue, avec un scrupule scientifique qui rappelle la loyale conscience de Darwin ». Or, ce