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RÉPONSE à M. J. DE SOHET

physicien et ne vous attaquât brusquement. Il y a des vérités d’expérience et des vérités de sentiment, et ces deux lignes de vérités peuvent être indéfiniment prolongées sans jamais se rencontrer, vous le saviez bien. Cette géométrie ne vous rassurait qu’à demi. Vous vous disiez que tout est mêlé dans le génie humain, comme dans le cerveau du vieux Flourens, et que l’expérience agit sur le sentiment, la physique sur la métaphysique, la science sur la foi.

Enfin, votre beau castel d’azur est intact ; M. Soury l’a respecté. Vous le fondez, monsieur, sur l’instinct et ce sont là d’assez belles assises. Il n’en fut jamais d’autres pour élever les idées de beauté, de vertu et toutes les idées enfin qui font le charme et le prix de la vie. Vous établissez la croyance en Dieu et dans l’immortalité de l’âme, non pas avec la subtilité ingénue de saint Anselme, sur l’idée parfaitement étrange qu’on s’en fait, mais au contraire sur le sentiment intime que nous en avons. Et vous illustrez votre pensée de cette définition que Georges Leroy a donnée de l’homme : « L’homme est un animal adorateur. » Vous ne savez pas, monsieur, quel plaisir vous ferez au bon et savant M. Pierre Laffitte quand il saura que vous avez lu les lettres de Georges Leroy et que vous y prenez des épigraphes pour les vôtres. M. Pierre Laffitte goûte excessivement le style et les idées de ce lieutenant des chasses royales qui écrivit sur les animaux. Il m’a vanté bien souvent ce Georges Leroy dont le livre est admis dans la bibliothèque positiviste. Vous savez que les positivistes estiment aussi que l’homme est un animal adorateur.

Auguste Comte fut très attentif à pourvoir aux