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« LOHENGRIN » À PARIS

faire encore un appel à mon chevalier. Il est loin d’ici et n’a pas entendu.

Les trompettes sonnèrent pour la troisième fois. Puis il se fit un grand silence et les hommes se disaient : Ce silence est l’arrêt de Dieu. Mais bientôt le fleuve amena dans une nacelle traînée par un cygne un chevalier revêtu d’une armure étincelante.

Ce chevalier, ayant mis pied à terre, s’avança par la prairie vers Elsa de Brabant et lui dit :

— Madame, voulez-vous que je sois votre combattant ?

Elsa, reconnaissant celui qu’elle avait vu en songe, lui dit :

— Combats pour moi, je te donne tout ce que je suis.

Le chevalier au cygne répondit :

— Elsa, si tu veux que je sois ton époux et que rien ne me sépare plus de toi, il faut que tu me fasses une promesse : Jamais tu ne m’interrogeras ; jamais tu ne chercheras à savoir ni d’où je viens, ni quel est mon nom et quelle est ma nature.

Elsa répondit :

— Mon bouclier, mon ange ! tu crois à mon innocence, je serais criminelle si je n’avais pas foi en toi. Ô mon défenseur ! je t’obéirai.

Ayant reçu cette promesse, le chevalier au cygne se tourna vers le comte et dit à haute voix :

— Je proclame Elsa de Brabant innocente de tout crime. Comte de Telramund, tu vas être convaincu de fausseté par le jugement de Dieu.

Le roi, ayant tiré son épée, frappa trois coups sur son bouclier. À ce signal, le chevalier attaqua le comte, le renversa, lui mit l’épée sur la gorge et lui laissa la vie.