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LA VIE LITTÉRAIRE

plicité lui eussent fait honneur dans les plus beaux jours de la République romaine. » (Napoléon en exil, ou l’Écho de Sainte-Hélène, par Barry-E. O’Méara, in-80, p. 121).

« Par calcul et par goût, il ne se détend jamais de sa royauté. » C’est madame de Rémusat qui le dit. Et M. Taine le croit. Mais la générale Durand dit qu’au contraire il se détendait souvent de sa royauté.

« À la campagne, dit-elle, il jouait à différents jeux, notamment aux barres, exercice de jeunesse dont il avait conservé le goût… Je l’ai encore vu jouer aux barres depuis son mariage avec Marie-Louise, et, quoiqu’il fût déjà très ps, il courait encore assez légèrement. Un jour que la cour était à Rambouillet, il y eut une grande partie de barres, dans laquelle l’empereur tomba deux fois sans se faire aucun mal ; il s’élançait avec force pour saisir son adversaire, qui était le grand maréchal ; celui-là s’esquivait toujours ; ce qui fut cause que l’empereur alla deux fois rouler sur le sable à quatre pas de lui ; il se releva sans mot dire et continua la partie plus gaiement encore. » (Générale Durand, loc. cit. pp. 262-263.)

On voit qu’à ses heures, celui que M. de Talleyrrand, cité par madame de Rémusat, citée par M. Taine, appelait l’Inamusable s’amusait parfois comme un écolier. M. Taine ne parle pas de la partie de barres de Rambouillet ; il ne parie pas non plus de l’omelette des Tuileries. L’impératrice Marie-Louise eut un jour l’idée de faire une omelette. « Pendant qu’elle est occupée de cette importante opération culinaire, l’empereur entre sans être annoncé, soit que le hasard l’amenât, soit que, prévenu par quelque avis officieux, il voulût se donner le plaisir de surprendre l’impé-