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LA VIE LITTÉRAIRE

dans l’âme de la France le vainqueur de Marengo et le vaincu de Waterloo. Vaulabelle a bien moins de talent que M. Taine. Mais Vaulabelle a montré ce qu’était Napoléon en 1815, en face de la Sainte Alliance et des Bourbons. Vaulabelle est un moins bon peintre, pourtant il a fait un meilleur portrait.

Le prince Napoléon a répondu à M. Taine par un livre dont le Temps a donné, il y a huit jours, avant même qu’il parût, une longue analyse et de nombreux extraits. Ma tâche s’en trouve bien allégée, et il ne me reste qu’à présenter sur ce livre, Napoléon et ses détracteurs, quelques observations très courtes qu’on me pardonnera de jeter sans ordre et comme elles me viendront à l’esprit.

Dans ce petit volume, le prince Napoléon parle tantôt comme un critique qui discute les textes pèse les témoignages, oppose les faits aux assertions tantôt comme l’interprète de la tradition napoléonienne, dont il est le dépositaire. Il est clair que dans les deux cas son autorité n’est pas de même nature. Dans le premier, elle repose sur des documents et relève des sciences historiques. Dans le second, elle s’appuie sur une doctrine particulière et dévient purement métaphysique. Ce double aspect ou, si l’on peut dire, ce double personnage en un même auteur jette quelque trouble dans l’esprit du lecteur et nuit à l’unité du livre, qui n’est, à vrai dire, qu’une suite d’articles fort différents de manière et de ton.

La partie critique, celle où le prince Napoléon s’appuie sur l’histoire, semblera juste et solide dans son ensemble. Du moins elle me paraît telle, et bien sincèrement, car j’en avais un peu, ce me semble pressenti l’esprit et la méthode dans un article