Page:Anatole France - Le Crime de Sylvestre Bonnard, 1896.djvu/123

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

conseil d’un libraire de mes amis. Je lui écrivis de me venir trouver à Lusance et, en attendant sa venue, je pris ma canne et mon chapeau et m’en allai visiter les églises du diocèse, dont quelques-unes renferment des inscriptions funéraires qui n’ont pas encore été relevées correctement.

Je quittai donc mes hôtes et partis en pèlerinage. Explorant tout le jour les églises et les cimetières, visitant les curés et les tabellions de village, soupant à l’auberge avec les colporteurs et les marchands de bestiaux, couchant dans des draps parfumés de lavande, je goûtai pendant une semaine entière un plaisir calme et profond à voir, tout en songeant aux morts, les vivants accomplir leur travail quotidien. Je ne fis, en ce qui concerne l’objet de mes recherches, que des découvertes médiocres qui me causèrent une joie modérée et par cela même salubre et nullement fatigante. Je relevai quelques épitaphes intéressantes et j’ajoutai à ce petit trésor plusieurs recettes de cuisine rustique dont un bon curé voulut bien me faire part.

Ainsi enrichi, je retournai à Lusance et je traversai la cour d’honneur avec l’intime satisfaction d’un bourgeois qui rentre chez lui. C’est là un