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Page:Anatole France - Le Crime de Sylvestre Bonnard, 1896.djvu/124

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effet de la bonté de mes hôtes, et l’impression que je ressentis alors sur leur seuil prouve mieux que tous les raisonnements l’excellence de leur hospitalité.

J’entrai jusque dans le grand salon sans rencontrer personne, et le jeune marronnier qui étendait là ses grandes feuilles me fit l’effet d’un ami. Mais ce que je vis ensuite sur la console me causa une telle surprise que je rajustai à deux mains mes besicles sur mon nez et que je me tâtai pour me redonner une notion au moins superficielle de ma propre existence. Il me vint à l’esprit, en une seconde, une vingtaine d’idées dont la plus soutenable fut que j’étais devenu fou. Il me semblait impossible que ce que je voyais existât, et il m’était impossible de ne pas le voir comme une chose existante. Ce qui causait ma surprise reposait, comme j’ai dit, sur la console que surmontait une glace plombée et piquée.

Je m’aperçus dans cette glace et je puis dire que j’ai vu une fois en ma vie l’image accomplie de la stupéfaction. Mais je me donnai raison à moi-même et je m’approuvai d’être stupéfait d’une chose stupéfiante.

L’objet, que j’examinais avec un étonnement