Page:Anatole France - Le Crime de Sylvestre Bonnard, 1896.djvu/168

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regardait avec sa placide ironie. Mais on ne peut rester toujours dans les cieux. Je parlai, en regardant Clémentine, d’une comète de diamants que j’avais admirée la veille à la montre d’un joaillier. Je fus bien mal inspiré.

— Mon neveu, s’écria le capitaine Victor, ta comète ne valait pas celle qui brillait dans les cheveux de l’impératrice Joséphine quand elle vint à Strasbourg distribuer des croix à l’armée.

— Cette petite Joséphine aimait grandement la parure, reprit M. de Lessay, entre deux gorgées de café. Je ne l’en blâme pas ; elle avait du bon, quoiqu’un peu légère. C’était une Tascher et elle fit grand honneur à Buonaparte en l’épousant. Une Tascher ce n’est pas beaucoup dire, mais un Buonaparte ce n’est rien dire du tout.

— Qu’entendez-vous par là, monsieur le marquis ? demanda le capitaine Victor.

— Je ne suis pas marquis, répondit sèchement M. de Lessay, et j’entends que Buonaparte eût été fort bien apparié en épousant une de ces femmes cannibales que le capitaine Cook décrit dans ses voyages, nues, tatouées, un anneau dans les narines et dévorant avec délices des membres humains putréfiés.