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Page:Anatole France - Le Crime de Sylvestre Bonnard, 1896.djvu/184

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allé avec elle l’autre jour, loin, bien loin, et nous avons parlé de vous. Nous avons parlé de vous, mon enfant, sur la tombe de votre mère.

— Je suis bien heureuse, me dit Jeanne.

Et elle se mit à pleurer.

C’est avec respect que je laissai couler ces larmes d’une jeune fille. Puis, tandis qu’elle s’essuyait les yeux :

— Ne me direz-vous pas, Jeanne, lui demandai-je, pourquoi cette corde vous occupait tant tout à l’heure ?

— Bien volontiers, monsieur ; c’est parce que je ne devais pas paraître avec une corde dans le parloir. Vous pensez bien qu’à mon âge on ne joue plus à la corde. Quand la bonne m’a dit qu’un vieux monsieur… Oh !… qu’un monsieur m’attendait dans le parloir, j’étais occupée à faire sauter les petites ; alors, j’ai noué la corde autour de moi, comme cela, pour ne pas la perdre. C’était mal ; mais j’ai si peu l’habitude de recevoir des visites ! Mademoiselle Préfère ne pardonne pas les fautes contre la tenue ; elle me punira, bien sûr ; et j’en suis très fâchée.

— Cela est fâcheux, en effet, Jeanne.

Elle prit un air très grave :