Page:Anatole France - Le Crime de Sylvestre Bonnard, 1896.djvu/185

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— Oui, monsieur, cela est fâcheux, parce que quand je suis punie, je n’ai plus d’autorité sur les petites.

Je ne me faisais pas une idée très nette de cet inconvénient, mais Jeanne m’expliqua qu’étant chargée par mademoiselle Préfère d’habiller les enfants de la petite classe, de les laver, de leur apprendre la bienséance, l’alphabet, l’usage de l’aiguille, de les faire jouer et finalement de les coucher, la pièce faite, elle ne pouvait se faire obéir de ce turbulent petit peuple les jours où elle était condamnée à garder son bonnet de nuit dans la classe ou à manger debout sa viande sur une assiette retournée.

Ayant admiré intérieurement les pénalités édictées par la dame à la pèlerine enchantée, je répondis :

— Si j’ai bien compris vos paroles, Jeanne, vous êtes à la fois élève et maîtresse. C’est un état fréquent dans le monde. On vous punit et vous punissez.

— Oh ! monsieur, me répondit-elle, jamais je ne punis.

— Et je devine, dis-je, que cette indulgence vous attire les réprimandes de mademoiselle Préfère.