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Page:Anatole France - Le Crime de Sylvestre Bonnard, 1896.djvu/226

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livres où mademoiselle Préfère travaillait au crochet si tranquillement qu’on eût dit qu’elle était chez elle. Je faillis le croire moi-même. Elle tenait peu de place, il est vrai, au coin de la fenêtre. Mais elle avait si bien choisi sa chaise et son tabouret, que ces meubles semblaient faits pour elle.

Jeanne, au contraire, donnait aux livres et aux tableaux un bon regard expressif, presque triste, qui semblait un affectueux adieu.

— Tenez, lui dis-je ; amusez-vous à feuilleter ce livre, qui ne peut manquer de vous plaire, car il contient de belles gravures. Et j’ouvris devant elle le recueil des costumes de Vecellio ; non pas s’il vous plaît la banale copie maigrement exécutée par des artistes modernes, mais bien un magnifique et vénérable exemplaire de l’édition princeps, laquelle est noble à l’égal des nobles dames qui figurent sur ses feuillets jaunis et embellis par le temps.

En feuilletant les gravures avec une naïve curiosité, Jeanne me dit :

— Nous parlions de promenade, mais c’est un voyage que vous me faites faire. Je voudrais aller loin, bien loin !