Page:Anatole France - Le Crime de Sylvestre Bonnard, 1896.djvu/227

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— Eh ! bien, mademoiselle, lui dis-je, il faut s’arranger commodément pour voyager. Vous êtes assise sur un coin de votre chaise que vous faites tenir sur un seul pied, et le Vecellio doit vous fatiguer les genoux. Asseyez-vous pour de bon, mettez votre chaise d’aplomb et posez votre livre sur la table.

Elle m’obéit en riant.

Je la regardais. Elle s’écria :

— Venez voir le beau costume (C’était celui d’une dogaresse). Que c’est noble et quelles magnifiques idées cela donne ! Je vais vous dire : j’adore le luxe.

— Il ne faut pas exprimer de semblables pensées, mademoiselle, dit la maîtresse de pension, en levant de dessus son ouvrage, un petit nez informe.

— C’est pourtant bien innocent, répondis-je. Il y a des âmes de luxe qui ont le goût inné des formes luxueuses.

Le petit nez informe se rabattit aussitôt.

— Mademoiselle Préfère aime le luxe aussi, dit Jeanne ; elle découpe des transparents de papier pour les lampes. C’est du luxe économique, mais c’est du luxe tout de même.