Page:Anatole France - Le Crime de Sylvestre Bonnard, 1896.djvu/229

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

comme un trésor, dans la pièce voisine. J’attends qu’il s’explique ; il le fait sans embarras, mais il me semble qu’il a remarqué la jeune fille qui, penchée sur la table, feuillette le Vecellio. Je le regarde ; ou je me trompe fort, ou je l’ai déjà vu quelque part. Il se nomme Gélis. C’est là un nom que j’ai entendu je ne sais où. En fait, M. Gélis (puisque Gélis il y a) est fort bien tourné. Il me dit qu’il est en troisième année à l’école des chartes, et qu’il prépare depuis quinze ou dix-huit mois sa thèse de sortie dont le sujet est l’état des abbayes bénédictines en 1700. Il vient de lire mes travaux sur le Monasticon et il est persuadé qu’il ne peut mener sa thèse à bonne fin sans mes conseils, d’abord, et sans un certain manuscrit que j’ai en ma possession et qui n’est autre que le registre des comptes de l’abbaye de Citaux de 1683 à 1704.

M’ayant édifié sur ces points, il me remet une lettre de recommandation signée du nom du plus illustre de mes collègues.

À la bonne heure j’y suis, M. Gélis est tout uniment le jeune homme qui, l’an passé, m’a traité d’imbécile, sous les marronniers. Ayant déplié sa lettre d’introduction, je songe :