Page:Anatole France - Le Crime de Sylvestre Bonnard, 1896.djvu/254

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à cette jeune fille. Mon devoir est de les faire cesser.

— Je ne vous comprends pas, répondis-je ; et c’était bien la vérité. Elle reprit lentement :

— Vos assiduités dans cette maison sont interprétées par les personnes les plus respectables et les moins soupçonneuses d’une telle façon que je dois, dans l’intérêt de mon établissement et dans l’intérêt de mademoiselle Alexandre, les faire cesser au plus vite.

— Madame, m’écriai-je, j’ai entendu bien des sottises dans ma vie, mais aucune qui soit comparable à celle que vous venez de dire !

Elle me répondit simplement :

— Vos injures ne m’atteignent pas. On est bien forte quand on accomplit un devoir.

Et elle pressa sa pèlerine contre son cœur, non plus cette fois pour contenir, mais sans doute pour caresser ce cœur généreux.

— Madame, dis-je, en la marquant du doigt, vous avez soulevé l’indignation d’un vieillard. Faites en sorte que ce vieillard vous oublie, et n’ajoutez pas de nouveaux méfaits à ceux que je découvre. Je vous avertis que je ne cesserai pas de veiller sur mademoiselle Jeanne Alexandre. Si vous la