Page:Anatole France - Le Crime de Sylvestre Bonnard, 1896.djvu/255

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violentez en quoi que ce soit, malheur à vous !

Elle devenait plus tranquille à mesure que je m’animais et c’est avec un beau sang-froid qu’elle me répondit :

— Monsieur, je suis trop éclaircie sur la nature de l’intérêt que vous portez à cette jeune fille pour ne pas la soustraire à cette surveillance dont vous me menacez. J’aurais dû, voyant l’intimité plus qu’équivoque avec laquelle vous vivez avec votre gouvernante, épargner votre contact à une innocente enfant. Je le ferai à l’avenir. Si j’ai été jusqu’ici trop confiante, ce n’est pas vous, c’est mademoiselle Alexandre qui peut me le reprocher ; mais elle est trop naïve, trop pure, grâce à moi, pour soupçonner la nature du péril que vous lui avez fait courir. Vous ne m’obligerez pas, je suppose, à l’en instruire.

— Allons, me dis-je en haussant les épaules, il fallait, mon pauvre Bonnard, que tu vécusses jusqu’à présent pour apprendre exactement ce que c’est qu’une méchante femme. À présent ta science est complète à cet égard.

Je sortis sans répondre, et j’eus le plaisir de voir, à la subite rougeur de la maîtresse de pen-