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Page:Anatole France - Le Crime de Sylvestre Bonnard, 1896.djvu/256

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sion, que mon silence la touchait beaucoup plus que n’avaient fait mes paroles.

Je traversai la cour en regardant de tous côtés si je n’apercevrais pas Jeanne. Elle me guettait ; elle courut à moi.

— Si on touche à un de vos cheveux, Jeanne, écrivez-moi. Adieu.

— Non ! pas adieu !

Je répondis :

— Non ! non ! pas adieu. Écrivez-moi.


J’allai tout droit chez madame de Gabry.

— Madame est à Rome avec monsieur. Monsieur ne le savait donc pas ?

— Si fait ! répondis-je, madame me l’a écrit.

Elle me l’avait écrit en effet et il fallait que j’eusse un peu perdu la tête pour l’oublier. Ce fut l’opinion du domestique, car il me regarda d’un air qui disait : « Monsieur Bonnard est tombé en enfance », et il se pencha sur la rampe de l’escalier pour voir si je ne me livrerais pas à quelque action extraordinaire. Mais je descendis raisonnablement les degrés et il se retira désappointé.

En rentrant chez moi, j’appris que M. Gélis