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Page:Anatole France - Le Crime de Sylvestre Bonnard, 1896.djvu/273

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billons de neige, puis je m’approchai de la fenêtre. Rien ! Le vent faisait rage et la neige tombait dru. Les ouvriers qui passaient près de moi, leurs outils à l’épaule, tête basse sous les flocons épaissis, me heurtaient rudement. Rien. Je craignais qu’on me remarquât. Je savais avoir mal fait en soudoyant une servante, mais je n’en avais nul regret. Malheur à qui ne sait sortir au besoin de la règle sociale ! Un quart d’heure se passa. Rien. Enfin, la fenêtre s’entr’ouvrit.

— C’est vous, monsieur Bonnard ?

— C’est vous, Jeanne ? En un mot que devenez-vous ?

— Je vais bien, très bien !

— Mais encore ?

— On m’a mis dans la cuisine et je balaye les salles.

— Dans la cuisine ! balayeuse, vous ! Bonté divine !

— Oui, parce que mon tuteur ne paye plus ma pension.

— Bonté divine. Votre tuteur m’a tout l’air d’un gredin.

— Vous savez donc ?…

— Quoi ?