Page:Anatole France - Le Crime de Sylvestre Bonnard, 1896.djvu/277

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nous venions de commettre. Elle était très sérieuse et visiblement inquiète.

— Dans la cuisine ! m’écriai-je avec indignation.

Elle secoua la tête comme pour dire : « Là ou ailleurs, que m’importe ! » Et à la lueur des lanternes, je remarquai avec douleur que son visage était maigre et ses traits tirés. Je ne lui trouvai plus cette vivacité, ces brusques élans, cette rapide expression qui m’avaient tant plu en elle. Ses regards étaient lents, ses gestes contraints, son attitude morne. Je lui pris la main : une main durcie, endolorie et froide. La pauvre enfant avait bien souffert. Je l’interrogeai ; elle me raconta tranquillement que mademoiselle Préfère l’avait fait appeler un jour et l’avait traitée de monstre et de petite vipère sans qu’elle sût pourquoi.

Elle ajouta : Vous ne reverrez plus monsieur Bonnard qui vous donnait de mauvais conseils et qui s’est fort mal conduit à mon égard. Je lui dis : « Cela, mademoiselle, je ne le croirai jamais. » Mademoiselle me donna un soufflet et me renvoya à l’étude. Cette nouvelle que je ne vous verrais plus, ce fut pour moi comme la nuit qui tombe. Vous