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Page:Anatole France - Le Crime de Sylvestre Bonnard, 1896.djvu/291

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— Eh bien ! je suis allé à Levallois.

— Vous avez vu maître Mouche ? lui demanda vivement madame de Gabry.

— Non ! répondit-il, en observant nos visages qui marquaient le désappointement.

Après avoir joui un temps raisonnable de notre inquiétude, l’excellent homme ajouta :

— Maître Mouche n’est plus à Levallois. Maître Mouche a quitté la France. Il y aura après demain huit jours qu’il a mis la clef sous la porte, emportant l’argent de ses clients, une somme assez ronde. J’ai trouvé l’étude fermée. Une voisine m’a dit la chose avec force malédictions et imprécations. Le notaire n’a pas pris seul le train de 7 heures 55 ; il a enlevé la fille d’un perruquier de Levallois, jeune personne fort connue dans le pays par sa beauté et ses talents ; on dit qu’elle faisait la barbe mieux que monsieur son père. Enfin Mouche est parti avec elle ; le fait m’a été confirmé par le commissaire de police. Vraiment, maître Mouche pouvait-il lever le pied plus à propos ? Il aurait retardé son coup d’une semaine que, représentant de la société, il vous traînait comme un criminel, monsieur Bonnard, dans les cachots les plus