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Page:Anatole France - Le Crime de Sylvestre Bonnard, 1896.djvu/320

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voir, les visites des insectes ont une grande importance pour les plantes ; ils se chargent en effet de transporter au pistil le pollen des étamines. Il semble que la fleur soit disposée et parée dans l’attente de cette visite nuptiale. Je crois avoir démontré que le nectaire de la fleur distille une liqueur sucrée qui attire l’insecte et l’oblige à opérer inconsciemment la fécondation directe ou croisée. Ce dernier mode est le plus fréquent. J’ai fait voir que les fleurs sont colorées et parfumées de manière à attirer les insectes et construites intérieurement de sorte à offrir à ces visiteurs un passage tel qu’en pénétrant dans la corolle, ils déposent sur le stigmate le pollen dont ils sont chargés. Sprengel, mon maître vénéré, disait à propos du duvet qui tapisse la corolle du géranium des bois : « Le sage auteur de la nature n’a pas voulu créer un seul poil inutile. » Je dis à mon tour : Si le lis des champs, dont parle l’évangile, est plus richement vêtu que le roi Salomon, son manteau de pourpre est un manteau de noces et cette riche parure est une nécessité de sa perpétuelle existence[1].

« Brolles, le 21 août 1869. »
  1. M. Sylvestre Bonnard ne savait pas que de très illustres naturalistes faisaient en même temps que lui des recherches sur les rapports des insectes et des plantes. Il ignorait les travaux de M. Darwin, ceux du docteur Hermann Müller ainsi que les observations de sir John Lubbock. Il est à remarquer que les conclusions de M. Sylvestre Bonnard se rapprochent très sensiblement de celles de ces trois savants. Il est moins utile mais peut-être assez intéressant de remarquer que sir John Lubbock est, comme M. Bonnard, un archéologue adonné sur le tard aux sciences naturelles. (Note de l’éditeur.)