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de théâtre le modèle d’une cour galante et pompeuse.

Racine tenta vers cette époque deux pièces de théâtre aujourd’hui perdues : YAmasie, qu’il écrivit pour une comédienne du Marais, et Les Amours d’Ovide, dont la Beauchâteau lui avait donné le plan, ce pourquoi le poète l’appelait galamment « la féconde Julie d’Ovide ». Les femmes achevèrent l’ouvrage de Port-Royal : elles furent à leur tour les éducatrices de cet esprit heureux. Elles exercèrent en lui cette souplesse harmonieuse, cette sensibilité fine qui fut le meilleur de son génie. Les femmes alors étaient telles que la société française les avait faites : fières, coquettes, souveraines. Les mœurs avaient établi dans les relations d’un honnête homme avec les femmes quelque chose de réservé, de poli, d’intellectuel, qui exigeait dans la galanterie même les ressources les plus variées de la pensée et de la réflexion.

Racine avait en ce temps-là un voisin qu’il fréquentait : Jean de la Fontaine, qui logeait sur le quai des Augustins. Cependant les tantes du jeune homme, instruites de ses déportements, lui lançaient, du fond de Port-Royal, « excommunications sur excommunications4 », en vain, jusqu’au jour où Jean, pour rembourser M. Vitart, se mit en quête d’un bénéfice et alla trouver à Uzès son oncle, le R. P. Sconin, vicaire général et prieur des chanoines réformés de l’église cathédrale. C’était en 1661 ; Racine avait alors vingt-deux ans. Il songea même un moment à prendre l’ha-

1. Lettre de Racine.